Quelle place pour la philanthropie individuelle et familiale dans le développement de projets sociaux et culturels en France ?

Tel était le thème de la conférence organisée le 30 mai dernier par Entreprendre&+ et Un Esprit de Famille et lors de laquelle intervenait Jean-Paul Delevoye, ancien ministre, ancien président du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) et président de la commission des investitures aux élections législatives pour la République en Marche.

Arnaud de Ménibus, président fondateur d’Entreprendre&+ : à travers les différentes responsabilités que vous avez exercées, vous avez pu observer les tendances longues de la société française au cours des 20 dernières années. Pouvez-vous nous retracer les principales évolutions que vous avez constatées et comment vous les projetez dans l’avenir ?

Jean-Paul Delevoye : En premier lieu, nous assistons à l’éclatement des blocs politiques (…) Des éruptions citoyennes ont fragmenté cette logique. Aujourd’hui, La nécessaire adhésion du citoyen a remplacé l’obéissance du citoyen à L’Etat.

La liberté individuelle est en marche partout dans le monde. L’individu doit construire lui-même sa propre croyance mais il n’a pas été formé à cela (…). Les croyances se transmettaient de génération en génération. Elles ont explosé sous le choc des réalités et certaines se sont radicalisées. La lutte des identités remplace la lutte des classes, la concurrence des territoires renforce l’esprit nationaliste, le vieillissement de la population crée une fragmentation d’intérêts démographiques. Les conflits d’intérêts générationnels, identitaires, territoriaux risquent ainsi de l’emporter.
Les philanthropes ont un rôle essentiel à jouer dans ces moments. Il faut que vous mettiez en avant les causes que vous défendez. Pourquoi ? : Quand on demande au peuple de défendre des causes, il se transforme. Quand on le laisse sur la défense de ses intérêts, il se déchire. (…) La vraie bataille est : quel est le sens collectif aujourd’hui qui rassemble les individus ? On ne peut pas construire un avenir commun sans avoir le sens de l’autre. Comment gérer les plus faibles qui fragilisent la société ? (…)

Pour mettre en œuvre des solutions, l’Etat n’a pas votre souplesse, votre capacité d’emprunter des chemins d’innovation. (…) Il faut des espaces de dialogue, d’échange où le temps s’arrête, où surgit la capacité d’agir ensemble pour des causes qui nous transcendent et nous embellissent.

Arnaud de Ménibus : comment mobiliser l’engagement citoyen et créer un projet pour la société, comment pouvons-nous y contribuer ?

Jean-Paul Delevoye : je crois aux actions de caractère local, expérimental… Les solutions ne sont pas les mêmes au nord et au sud du pays. Il faut travailler sur la notion de prise de risque, de droit à l’erreur. Nous allons passer de la contrainte au contrat avec des objectifs. Vous avez des réflexions permanentes sur les causes que vous voulez défendre et les objectifs que vous voulez atteindre. Je connais le choc de la confrontation entre un système politico-administratif qui veut imposer sa réalité et l’innovation qui vient du terrain et cherche à renverser les certitudes. Quand les gens se trouvent dans un environnement constructif, leur comportement se transforme. Vous contribuez à transformer l’environnement social qui transforme le comportement des gens.

Publié le 24 juillet 2017.