Mesure d’impact social : quel rôle pour les financeurs ?
Dans le secteur associatif et philanthropique, l’impact est sur toutes les lèvres depuis plusieurs années. Les cabinets spécialisés en mesure d’impact se multiplient, la plupart des financeurs accordent une attention particulière aux indicateurs d’impact des projets et certains vont même jusqu’à conditionner leur soutien à la production d’un rapport d’impact.
Dans ce contexte, l’Impact Tank organisait le 18 avril la 2e édition du Sommet de la Mesure d’Impact au CESE. L’occasion de se repencher sur le concept d’impact, de s’inspirer des bonnes pratiques des uns et des autres et de se réinterroger sur la responsabilité des financeurs dans l’injonction à la mesure d’impact vécue par acteurs associatifs.
En tant que financeur et accompagnateur de projets depuis 15 ans, nous constatons l’importance de la mesure d’impact pour questionner l’efficience des associations et aider les porteurs de projets à des faire des choix stratégiques. Cela permet d’objectiver un certain nombre d’intuitions, notamment au moment d’un changement d’échelle.
Il y a néanmoins 3 points de vigilance pour préserver l’intérêt de cette pratique :
1. Ne pas confondre évaluation/reporting et mesure d’impact social
Il est tout à fait sain et sérieux d’avoir des outils de pilotage de son activité et des indicateurs quantitatifs et facilement observables pour évaluer la qualité et l’efficacité des actions menées au quotidien par l’association, notamment auprès de ses bénéficiaires directs. Il s’agit là de mesurer la performance mais pas le changement.
La mesure d’impact social nécessite généralement de s’inscrire dans un temps plus long, de prendre du recul pour choisir des indicateurs quantitatifs et qualitatifs pertinents et prendre en compte toutes les parties prenantes de l’association, et pas uniquement les bénéficiaires directs. Elle permet ainsi de mettre le doigt sur ce qui est vraiment attribuable à l’action de l’association.
2. Faire attention au choix des méthodes et des indicateurs
Il n’y a pas une méthode unique pour mesurer l’impact social d’une association. Etoile de progression, IRIS, coûts évités, randomisation, SROI … il existe de très nombreuses méthodes et de très nombreux indicateurs associés et ils ne sont pas adaptés à toutes les associations. C’est pourquoi il est impératif de se poser les bonnes questions avant de se lancer : à quoi doit servir la mesure d’impact ? Que souhaite-t-on évaluer ? Auprès de qui ? La méthode et les indicateurs choisis découleront de ce travail préalable.
3. Être conscient des limites de la mesure d’impact, notamment dans une approche systémique
Éclairer sa stratégie, suivre un impact de long terme, légitimer ses actions, faciliter la coopération, adapter une offre, instaurer un dialogue transparent avec ses partenaires, communiquer efficacement sur ses actions, valoriser le travail des salariés… une association attend généralement beaucoup d’une mesure d’impact. Mais la mesure d’impact ne peut pas tout ! Elle doit rester un outil et pas une fin en soi.
En outre, si l’on adapte une approche systémique, il est important de se rappeler que les outils de mesure sont des mécanismes qui font partie intégrante du système et qu’ils ont également un pouvoir performatif. Dans ce cadre, la mesure d’impact ne doit pas encourager une approche qui serait encore plus orientée « solutions » ou « bénéficiaires directs » et essayer de s’intéresser à la contribution de l’association à la résolution d’un problème social complexe, et de témoigner d’une logique de progression ou d’apprentissage plutôt que de réalisations.
Pour conclure, qu’elle soit réalisée en interne ou en externe, une mesure d’impact a un coût significatif pour une association. Outre les honoraires du cabinet externe le cas échéant, cela demande une grande rigueur méthodologique et un investissement important en temps et en énergie pour les équipes.
C’est pourquoi il est important de nous responsabiliser en tant que financeurs sur nos exigences en matière de mesure d’impact : si elle est importante et qu’elle permet souvent d’objectiver et de simplifier une réalité complexe, elle reste un outil et pas une fin et il est absolument nécessaire de donner le temps et les moyens aux associations de la réaliser dans de bonnes conditions !
Camille Marc